L' anthropomorphisme qu'est ce que c'est ?
- Par corinne leloire
- Le 23/03/2018
L’ANTHROPOMORPHISME OU LA MORT PREMATUREE DU CHIEN
L’anthropomorphisme est le fait d’attribuer à un animal des caractéristiques du comportement, de la morphologie ou de la pensée humaine à d'autres entités comme les animaux. L’anthropomorphisme dont nous nous rendons coupable envers nos chiens est une déviance propre à nos sociétés occidentales. Le phénomène se généralise et représente un vrai danger pour leur santé mentale et physique. En effet, l’anthropomorphisme réduit l’espérance de vie du chien et est un frein à une relation interspécifique (homme-chien) saine. Se comporter avec son chien comme on le ferait avec un être humain (et souvent un enfant), lui prêter des intentions humaines, c’est ne pas vouloir le connaître, c’est donner une place trop importante à sa propre humanité, c’est ignorer la nature du chien, et finalement, c’est le maltraiter indirectement. Evidemment, l’anthropomorphisme est inconscient. L’enfer est pavé des meilleures intentions et souvent, mes clients me disent adorer leur chien (et je les crois). Mais bien souvent, les « mon chien c’est mon bébé » ou « mon chien c’est comme mon gosse », sont malheureusement synonymes d’irrespect total de l’éthologie canine.
Pour vous aider, voici quelques rappels à lire et à relire régulièrement. Imprimez-les, accrochez-les en pense-bête chez vous afin de vous rappeler que votre chien n’est pas un être humain et qu’il a beaucoup à vous apprendre.
- Votre chien est incapable de vous juger car il est dépourvu de conscience morale. En gros, il ne connaît pas la différence entre le bien et le mal puisque ce sont des notions basées sur des principes religieux ou philosophiques. Par contre, votre chien vous observe beaucoup et apprend par l'expérience à décoder vos humeurs et vos intentions sur vos traits et votre gestuelle. Il peut aussi anticiper l’humeur de l’instant grâce aux phéromones que vous dégagez et dont vous n’avez pas conscience. Par conséquent, les « il sait qu’il a mal fait car il part se cacher» sont à abandonner du répertoire. En fait, votre chien sait surtout qu’il va être réprimandé. En connaît-il la raison ? Rien n’est moins sûr… Sur le plan de la communication interspécifique, l'homme a beaucoup de chemin à parcourir car deux études de comportement sur trois révèlent que l’homme ne comprend pas du tout son chien.
- Votre chien n'est pas jaloux. C'est un sentiment humain qui lui est inconnu. Par contre il peut ressentir de l'anxiété ou de la frustration lorsque vous vous occupez d’autre chose que de lui. Pourquoi? Probablement parce que votre éducation a favorisé l’hyperattachement au lieu de l’autonomie. En fonction de sa race et de ses prédispositions, le chien peut également entrer en mode de protection de ressources. La protection de ressources n’a rien à voir avec la jalousie. Elle trouve ses causes dans l’éducation et les motivations du chien en présence.
- Votre chien ne vous doit pas « l’obéissance au doigt et à l’oeil », une expression que j’entends trop souvent. La collaboration dans la complicité est possible mais elle se mérite. Elle naît lorsque le chien est appréhendé comme tel et lorsque l’on parvient à développer son potentiel pour lui rendre de l’autonomie. Le chien doit être appréhendé comme un autre individu non-humain, qui a droit au respect de son intégrité. C’est seulement là que le chien peut commencer à exprimer sa personnalité et son véritable intérêt pour vous.
- Votre chien ne se venge pas. C’est une malheureuse projection humaine qui débouche sur des punitions incomprises. Ce qui est sûr par contre, c’est que votre compagnon va ressentir beaucoup de stress d’être sanctionné sans raison. Si votre chien est hyper-attaché, il vit très mal vos absences. Il tente donc de détourner son mal-être en se trouvant une occupation alternative de soulagement : la destruction. S’il est malpropre en votre absence, il ne fait qu’exprimer son anxiété.
- Aucune race de chien n’aime particulièrement les enfants ou ne se révèle particulièrement « joueuse » ou aime particulièrement les autres chiens, ou supporte particulièrement bien la solitude ou la ville… Il s’agit d’arguments de vente de personnes mal intentionnées ou peu renseignées. D’une part le chien devient ce que l’homme en fait, d’autre part, il ne peut pas naître avec certaines qualités qui nous arrangent. Par contre, les races (et surtout les lignées) ont bien des aptitudes physiques et mentales particulières qui appellent des besoins spécifiques à satisfaire, des patrons-moteurs irrépressibles qui créent des troubles quand ils ne sont pas respectés.
- Votre chien n’a pas « de la chance de ne rien avoir à faire de ses journées ». C’est une projection humaine. Seul l’homme aspire à réfléchir, à avoir du temps pour prendre du recul sur lui-même et sur la vie, pour se prélasser et se reposer. Pas le chien. Rien n’est pire pour lui que de ne rien avoir à faire ou de dormir à longueur de temps. Il se meurt à petits-feux de n’avoir aucune mission à remplir, de s’ennuyer. Oui, pour votre chien l’ennui est une source de grand stress et d’anxiété.
- Votre chien est un animal terrestre. Sa place est au sol, pas dans vos bras, quelque soit sa taille. En le portant systématiquement dans vos bras (et pour certaines personnes, dans leur poitrine) vous devenez un inhibiteur social. Vous empêchez votre chien d’aller à la rencontre des siens, des humains, du monde. Vous en faites un incapable, un atrophié social, un phobique agressif.
A contrario, dites-vous chaque jour que :
- Votre chien est un être sentient. Il est sensible, émotif, empathique et ressent la douleur mentale. Un chien peut se laisser tomber en dépression et décider de ne plus s'alimenter. Il est capable de s'auto-mutiler par anxiété et de considérer que sa détresse est acquise et qu’il est inutile de se battre. Il a une psychologie et elle se doit d’être respectée.
- Votre chien est intelligent et capable de déduction. C'est un être logique. La capacité de déduction du chien a été prouvée par une expérience difficile qui a consisté à mettre en évidence qu'un chien ayant appris 80 noms d'animaux correspondant à 80 peluches au terme de plusieurs mois de travail, a finalement été capable de rapporter sur demande la seule peluche "voiture" dont le nom ne lui avait pas été appris.
- Votre chien est un être dépendant, attaché, handicapé par l’autodomestication. C’est son drame, celui avec lequel il doit vivre. Si son humain d’attachement l’appréhende comme un coach ou un guide, le chien sera alors entre des mains bienveillantes qui veilleront à développer son autonomie et son potentiel. Si par contre, l’homme se pose en maître autoritaire et dominant, il fera de son chien une ombre, un être annihilé, comme c’est malheureusement trop souvent le cas.
Si l’on me demande, en tant que comportementaliste-thérapeute quelle est la plus belle preuve d’amour que l’on peut apporter à un chien, je dirai sans hésiter « le cadeau de l’autonomie développée et de l’animalité préservée ».